Le Pays basqueRécits et impressions de l'Euskal-Herria

décembre 2006
« Aujourd'hui 22 novembre 1892, tandis que je suis là seul, à ce point extrême où finit la France, assis sur ma terrasse qui regarde l'Espagne, l'âme du Pays Basque pour la première fois m'apparaît…
Il fait idéalement beau ; sur les Pyrénées, sur la mer, partout règne le même calme infini. L'air immobile est tiède comme en mai, avec pourtant cette insaisissable mélancolie de l'arrière automne, indiquant à elle seule que l'année s'en va…
La mer, au loin, luit comme une bande de nacre bleue. Il y a des teintes méridionales, presque africaines, sur les montagnes, qui se découpent au ciel avec une netteté absolue, et qui sont vaporeuses cependant, noyées dans je ne sais quoi de diaphane et de doré. La Bidassoa, à mes pieds, inerte et lisse, reflète et renverse avec une précision de miroir le vieux Fontarabie d'en face, son église, son château fort, roussis par des centaines d'étés ; reflète et renverse toutes les arides montagnes avec leurs moindres plis et leurs moindres ombres, même leurs petites maisonnettes, çà et là éparses, blanches de chaux sur ces grands fonds roux…
Alors, tout à coup, tandis que je suis là seul devant ce décor que semble endormir le morne soleil, écoutant sonner les vieilles cloches ou vibrer dans le lointain les vieilles chansons, je prends conscience de tout ce que ce pays a gardé au fond de lui-même de particulier et d'absolument distinct. » Pierre Loti 

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